jeudi 24 septembre 2015

Alice, une mannequin sur les bancs d'école

Photographe : Lauren Engel

 Dans un bar bullois, je rencontre Alice Wieser. Il est 16 heures, un samedi après-midi, les discussions des clients sont recouvertes par de la musique électronique. Malgré un look basique – jeans clair et chemisier orange – la jeune mannequin de 17 ans ne passe pas inaperçue : des jambes interminables, un visage fin et des lèvres à la Angelina Jolie. Elle est éblouissante! Elle commande un thé, moi aussi. L'étudiante au gymnase à Lausanne jette un oeil nerveux sur son portable. Consciencieuse, elle a déjà brièvement préparé l'interview. Elle remue la contenu de sa tasse à vive allure. Je la sens tendue. Elle a pourtant travaillé pour les plus grands : Bucherer, Elie Saab, Chopard, etc.  Il n'y a donc aucun enjeu à m'accorder un interview. Je suis flattée.


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Alice parle-moi un peu de toi. 

J'ai 17 ans et j'espère obtenir ma maturité gymnasiale en juin 2016. Ma mère habite à Morges et mon père à Zurich. J'ai donc la chance d'habiter dans ces deux villes. Situation pratique:  mon agence de mannequina (Option Model Agency) est basée à Zurich. Autrement, j'adore le sport. Je profite d'aller en cours à vélo (environ une trentaine de minute tous les jours), j'ai aussi commencé le rock. J'adore, c'est super vivant comme danse et ça change du classique que j'ai pratiqué durant 7 ans.  J'ai aussi commencé le volley. Ça me permet de développer un esprit d'équipe. Le théâtre est un loisir qui me tient aussi à coeur. Et tout bientôt, je vais commencer à chanter dans le coeur du gymnase! Cela dit, même si j'aime être occupée, j'aime aussi me retrouver au calme dans la nature. C'est un élément clef pour mon équilibre.

Comment concilies-tu ta vie d'étudiante et ta vie de mannequin? 

Ça n'a jamais été un problème car mon école est très conciliante. Tant que j'ai de bons résultats, je peux prendre congé à la dernière minute si des projets de mannequinat se présentent à moi. En plus, l'agence essaie de ne me proposer que les projets les plus intéressants et idéalement ceux qui ont lieu le week-end. Concrètement, je m'organise en prenant de l'avance sur mon travail au gymnase et/ou je rattrape par après. Parfois, il m'arrive de me lever plus tôt le matin pour éviter de prendre du retard. Les études sont très importantes pour moi. J'adore apprendre de nouvelles choses. C'est d'ailleurs pour cette raison que je ne me suis pas lancée directement à 100% dans le mannequina. En fait, on pourrait comparer mon travail de mannequin à celui d'un étudiant : dans les deux cas, l'enjeu est de savoir tenir deux agendas.
En ce qui concerne mes amis et les gens que je côtoie au gymnase, je parle le moins possible de mon travail. Je crois que l'univers du mannequinat véhicule une image qui ne lui correspond pas totalement. Donc dans le doute, à moins qu'on me pose des questions, je préfère rester discrète sur le sujet. 

Photographe : Jeans Albers


Est-ce que tes amis te regardent différemment depuis que tu travailles dans ce domaine? 

Non. Pour mes amis (et pour moi aussi) mon travail ne définit pas ma personnalité. En plus, depuis le début de l'aventure je reste celle que je suis avec les valeurs que mes parents m'ont transmises. Après, il y a des gens qui sont impressionnés, ceux qui admirent et ceux qui méprisent. C'est vrai qu'on a tous une idée bien définie du métier de mannequin avec tout le glamour et les paillettes que ça englobe. Honnêtement, ça fait du bien d'être dans un environnement où le beau et la beauté est à l'honneur. Il faut se l'avouer, c'est jamais déplaisant de voir de belle choses ;-). D'un autre côté, je comprends qu'on puisse avoir des réticences!

Au fil de l'entretien Alice oublie ses notes et gagne en spontanéité. Elle profite de boire une goutte de son thé pour prendre le temps de la réflexion avant de répondre.  

Quelles sont les difficultés du métier? 

Chaque projet est différent et donc constitue un nouvel environnement de travail : nouveaux collègues, nouveaux objectifs, nouvelles attentes, nouvelles manières de penser, d'agir. C'est très enrichissant car ça m'a permis d'ouvrir mon cercle d'ami et mon esprit. Mais ceci entraîne une autre difficulté : capter précisément le rendu final que veut donner le directeur du projet. Et pour être au plus proche de ce qu'ils veulent, il faut encore être rigoureux en s'adaptant au photographe. Ils sont tous différents : des pipelettes qui nous disent exactement ce qu'ils veulent, d'autres plus silencieux qui attendent qu'on capte l'atmosphère et qu'on pose en conséquence. Du coup, moi, dès que j'ai un doute, je pose des questions. Je demande si je suis dans le juste ou si je dois être plus comme ci ou comme ça...  Chaque nouveau projet est une nouvelle expérience et un nouveau challenge. Devoir comprendre l'atmosphère souhaitée par le photographe et poser de sorte à dégager une émotion qui lui corresponde, j'adore ça.

Une autre difficulté plus pragmatique : les chaussures inconfortables! Soit on a des chaussures trop grandes dans lesquelles on doit enfiler du papier ou des semelles pour pouvoir marcher. Soit elles sont trop petites et là, ils faut rétrécir nos orteils comme on peut... Je ne te parle pas des cloques! Bref, tu apprends à marcher élégamment avec à peu près, n'importe quoi!

Photographe : Pino Gomes pour Cartier


Comment et quand es-tu tombée dans le mannequinat? 

Des amis de mes parents me disaient souvent que j'avais un physique de mannequin. Je me suis donc prise au jeu en profitant de faire quelques photos avec mon beau-père. J'aimais beaucoup poser. Je me suis dit qu'il fallait que je me lance! A l'époque j'avais à peine 14 ans et personne dans mon entourage ne savait vraiment quelle démarche entreprendre. Finalement, c'est ma grand-mère qui m'a parlé du concours ELITE MODEL LOOK. Un concours international organisé par l'agence Elite de chaque pays. Sauf qu'en Suisse, cette agence n'existe pas. C'est donc Ursula Knecht et son équipe qui s'en charge au travers d'Option Model Agency. En 2012, à 14 ans, j'ai fini troisième du concours suisse. Devant moi, en première position, il y avait Manuela Frey. A l'heure actuelle, elle travaille pour les plus grands : Dolce&Gabbana, Calvin Klein, Giorgio Armani, Tory Burch etc. De mon côté, à partir de ce moment-là, j'ai commencé à travailler comme mannequin en intégrant l'agence zurichoise. On me surnommait "le bébé". En plus d'être la plus jeune des mannequins, je crois que c'était aussi la première fois que l'agence prenait quelqu'un âgé de moins de 15 ans.



Comment vois-tu ton avenir? 

Après mon gymnase, en 2016, je vais me lancer à 100% dans le mannequinat. Tout d'abord, je verrai si je perce dans le métier. Je verrai aussi dans quels coins du globe mon physique plaît le plus. L'Asie peut-être? Bon, je dois avouer que New York m'attire beaucoup ;-).  Par ailleurs, exercer ce métier quelques week-ends par année et pendant les vacances n'est pas pareil que de l'exercer à 100%. Donc à voir si ça me plaît. Autrement, je continuerai dans la voie des études, éventuellement à l'EPFL. Je me laisse toutes les portes ouvertes. Je suis quelqu'un qui réfléchit avant de prendre des décisions tout en écoutant son coeur. Finalement, le plus important est de garder l'émerveillement que j'ai pour les choses simples de la vie. Le but ultime pour mon avenir est de trouver un équilibre et une harmonie qui me rende heureuse. Et je ne pense pas que le mannequinat soit à bannir pour trouver cet équilibre. Au contraire.

Un secret minceur? 

Je fais beaucoup de sport. En ce qui concerne la nourriture, j'ai la chance d'avoir une mère qui m'a appris à me nourrir sainement : je mange beaucoup de légumes à chaque repas, si j'ai faim pendant la journée je mange des fruits. Pour moi, c'est naturel de manger à ma faim et de façon saine. Si je ne le fais pas, je me sens mal. De temps en temps, je vais au Mcdo et je mange une glace comme tout le monde.

Photographe : Lauren Engel


As-tu une routine beauté? 

Rien de vraiment spécial. Je ne me maquille que très rarement et je me lave la peau avec un savon naturel. Pour mes cheveux je ne lésine pas sur les soins. Après chaque shampoing, je laisse poser un masque.

Quelle est la meilleure décision que tu n'as jamais prise? 

Commencer le mannequinat et ne pas arrêter le gymnase. Grâce aux deux, j'ai gagné en autonomie (personnelle et financière), en confiance, en ouverture d'esprit et j'ai surtout rencontré plein de monde intéressant!

Mercedes-Benz fashion days : Usgang.ch


Parle-moi de quelque chose qui te rend heureuse. 

En fait, toutes les petites choses de la vie. Passer une soirée en famille, recevoir un sourire dans le bus, mes amis, etc.


Tu es une fille simple qui arrive à se contenter de peu, c'est surprenant que le mannequinat fait de superficialité t'attire... Alice prend sa tasse dans la main, trempe ses lèvres dans le thé et me répond: 

C'est vrai, c'est surprenant. C'est exactement la raison pour laquelle je parlais d'équilibre et d'harmonie. Pour me sentir heureuse, je crois avoir besoin à la fois de choses simples et à la fois de moments plus piquants.

Pour finir, une image qui représente ta vie? 

Une chasse au trésor. A chaque recoin on peut trouver de nouvelles choses, rencontrer des gens, apprendre à se connaître, comprendre et découvrir le monde. Comme dans une place de jeu. Je suis à un moment de ma vie où la curiosité est présente à chaque moment, chaque occasion. Je suis dans une effervescence d'apprentissage.

Presque deux heures de questions et de discussions se sont écoulées. Je me lève, fais quelques pas mais Alice ne me suis pas. Je me retourne et elle me lance : " Tu ne manges pas ton biscuit offert avec le café?" Je lui fais signe de la tête que non.  Un dernier pied de nez aux clichés qui collent au monde du mannequinat.  Alice me surprendra jusqu'à la fin. 

Merci Alice  :-* 

Photographe: Claudine Garcia


5 commentaires :

  1. Bravo pour avoir brillamment retranscrit la beauté intérieure et extérieure de cette surprenante jeune mannequin, qui a un book splendide!

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  2. Super interview, effectivement je suis surprise par cette beauté intérieure et cette simplicité. C'est chouette !

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  3. Très enrichissant cet entretien :) Bravo à toi Megane et bravo à Alice aussi qui ne va pas arrêter de suprendre d'aussi tôt ! :*

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